Depuis quelques années, on les voit fleurir un peu partout. En trois ans à peine, des enseignes comme Carrefour, Casino, Super U, Spar, Domino, Bao et bien d’autres ont investi le marché de la grande distribution au Cameroun, parfois de manière spectaculaire.
La plupart sont des marques étrangères, venues surtout de France, qui proposent aussi bien des produits alimentaires que des équipements de maison ou des accessoires divers.
Le mode de vie change. Le rythme aussi. Les consommateurs, notamment en ville, se tournent de plus en plus vers ces supermarchés modernes, attirés par la promesse de tout trouver au même endroit. Bien sûr, ce succès repose aussi sur des moyens financiers colossaux : on parle de centaines de milliards de FCFA injectés pour s’imposer.
Mais attention, ce tableau n’est pas aussi simple qu’il y paraît. On pourrait croire que ces grandes surfaces s’installent sans difficulté… loin de là. Elles doivent faire face à plusieurs réalités locales.
D’abord, la question du pouvoir d’achat reste centrale. Malgré une légère hausse du SMIG depuis 2014, de nombreux Camerounais continuent de faire leurs courses dans les marchés de quartier, bien plus accessibles et surtout ancrés dans les habitudes. La culture du supermarché peine encore à s’imposer hors des grandes villes comme Douala ou Yaoundé, où les produits de luxe sont plus recherchés.
Et puis il y a la concurrence. Dovv, Santa Lucia, Fokou, Sesame, entre autres, n’ont pas dit leur dernier mot. Ces acteurs locaux savent parfaitement s’adapter : prix attractifs, souplesse dans les paiements, promotions régulières… tout est mis en œuvre pour fidéliser leur clientèle. La guerre des prix et des services fait rage, et les géants étrangers n’ont pas encore remporté la bataille.
Autre défi majeur : l’approvisionnement. La grande distribution dépend d’une logistique impeccable. S’assurer que les produits locaux soient bien représentés en rayons est un enjeu clé. Cela permet de mieux répondre aux attentes des consommateurs tout en soutenant les producteurs locaux.
Malheureusement, beaucoup dénoncent la domination des produits importés dans ces grandes surfaces. Certains petits producteurs peinent à s’y faire une place tant les conditions d’entrée peuvent être complexes et coûteuses. C’est pourquoi de nombreux observateurs appellent à la mise en place de centrales d’achat locales capables de fluidifier l’accès des produits du terroir à ces circuits modernes.
Ce mouvement pourrait bénéficier à l’agriculture, à l’élevage, à la transformation alimentaire et même ouvrir des débouchés pour les jeunes entrepreneurs locaux. Certaines PME commencent d’ailleurs à tirer leur épingle du jeu.
On note aussi la montée du “made in Cameroon”. Des initiatives comme l’épicerie “Mâ”, qui propose déjà plus de 500 références de produits locaux (chips, chocolat, noix de cajou, épices, farines locales…) prouvent que les consommateurs sont prêts à acheter local lorsque l’offre existe et qu’elle est bien présentée.
Rappelons que malgré tout, le commerce moderne ne représente encore que 20 à 30 % de la distribution au Cameroun.
Le potentiel de croissance reste énorme. En Afrique subsaharienne (hors Afrique du Sud), les achats en supermarchés ne dépassent pas 10 %. Le terrain à conquérir est vaste mais la partie est loin d’être gagnée.
En conclusion, oui, ces grandes enseignes progressent. Oui, elles séduisent une partie des consommateurs. Mais elles doivent composer avec un marché camerounais bien plus complexe qu’il n’y paraît. La question que tout le monde se pose est simple : que deviendront à terme les petites boutiques, nos chères échoppes de quartier, les « asso », les « maguidas », qui font partie de notre quotidien ?